L'Art du Bonsaï
La création des bonsaïs, arbres miniatures en coupes, se
caractérise par l'emploi de procédés jardiniers et artistiques
analogues à ceux utilisés dans les jardins paysagers. A la différence
de ces derniers, la façon de concevoir le monde, avec son riche contenu
émotionnel, est transposée dans un espace aussi restreint qu'une
coupe en céramique. Les sentiments éprouvés devant de tels
arbres, qui ont demandé les soins de plusieurs générations,
peuvent être comparés à l'impression ressentie en contemplant
d'excellentes ouvres de peinture ou de sculpture. En outre, ce sont des créations
vivantes se transformant avec le temps. Involontairement le spectateur tombe
en admiration devant eux, sans savoir en définir la raison, mais certain
cependant que l'image de ces arbres pas plus hauts que cinquante à soixante
centimètres ne s'effacera jamais de sa mémoire.
Les lignes des bonsaïs, leurs formes et leurs couleurs assorties renferment une grande part de nos réflexions concernant la vie, la nature, la naissance et le déclin. C'est comme si la beauté, qui tant de fois nous subjugua lors de nos promenades dans la nature, à la vue d'un arbre dont les branches s'élancent vers le ciel ou trouent le brouillard pour ensuite disparaître irrémédiablement, surgissait brutalement d'une manière imprévue.
En contemplant un bonsaï, l'admirateur ne pourra s'empêcher de penser aux changements subis avant d'atteindre sa forme actuelle, harmonieuse mais non définitive. Bien que sans cesse la main de l'homme «façonne» le bonsaï en ouvre artistique, celui-ci possède son propre rythme. Il bourgeonne, fleurit, féconde, ses feuilles modifient leurs couleurs et tombent. Après avoir donné le meilleur de soi-même, il traverse une période léthargique, laquelle par miracle ne signifie pas sa perte, mais uniquement la durée à lui nécessaire pour reprendre ses forces avant un nouvel essor. Face à cette vivante synthèse d'une beauté naturelle et artistique presque tous éprouvent un sentiment de gratitude d'avoir pu échapper au quotidien, pour ensuite succomber après un temps plus ou moins long, au charme et à l'attirante fantaisie de ce monde nouveau et inconnu.