Lam Rim, la voie graduée vers l'Eveil
Fleuron de la littérature bouddhique tibétaine, le Lam Rim offre, à ceux qui savent le comprendre et l'appliquer, un véritable outil de développement spirituel, d'une remarquable efficacité, développé par le moine indien Atisha.
L'histoire du Lam Rim commence avec le grand maître indien du XIesiècle, Atisha, né en 982, fils cadet d'un roi de l'est du Bengale. Dès l'enfance, Atisha manifesta un désintérêt pour la vie mondaine et m vif attrait pour les études. A l'adolescence, il quitta sa famille et sa vie princière pour s'engager dans l'étude et la pratique des tantras auprès de l'adepte Rahoula Goupta de la Montagne Noire et différents autres maîtres bouddhistes. A l'âge de vingt-neuf ans, il décida de devenir moine et se consacra, pendant douze ans à une étude approfondie de tous les écrits bouddhiques. Après avoir atteint une maîtrise de tous les sujets jusque dans leurs aspects les plus subtils, il se demanda quelle serait désormais pour lui la voie la plus rapide vers l'éveil. Différents signes et visions le convainquirent alors que le seul développement de nombreux pouvoirs ne suffirait pas à lui faire atteindre son but. Apprenant que le maître possédant les enseignements les plus complets dans ce domaine était le maître indonésien Dharmakirti (tib. Serlingpa), il se mit aussitôt en route pour l'Indonésie, qu'il atteignit au terme d'un long et périlleux voyage. Il consacra les douze années qui suivirent à l'étude des enseignements sur la bodhicitta (l'esprit altruiste d'éveil) et la transformation de l'esprit (Lojong) auprès de son maître indonésien, puis il retourna en Inde, où il passa les quinze années suivantes, jusqu'à son départ pour le Tibet en 1042. A cette époque, le Tibet connaissait une renaissance
spirituelle après une longue période de persécution
contre les bouddhistes organisée par un roi tibétain adepte
des traditions chamaniques autochtones du bon. Le besoin se faisait
ressentir, à cette époque, de se référer
aux ouvrages sanskrits originaux, à la lumière de trois
siècles d'expérience de la pratique bouddhiste que comptait
déjà le Tibet. C'est ainsi que le roi Yeshe Od décida
d'appeler Atisha. Ce système de pratique mis au point par Atisha était le fruit de plusieurs lignées dont il était le dépositaire et tout particulièrement de deux d'entre elles : celle dite « des enseignements de la sagesse » transmis du Bouddha à Manjushri puis à Nagarjuna, et celle dite « des enseignements de la méthode », transmis du Bouddha à Maitreya puis au maître indien Asanga. Atisha resta au Tibet environ treize années jusqu'à sa mort. Le principal disciple d'Atisha était le pratiquant laïc tibétain Drom Tonpa qui forma une école autour de ses enseignements ; l'école Kadam. Atisha transmit toute ses lignées à Drom Tonpa, y compris celle de la Lampe pour la voie de l'éveil Drom Tonpa la divisa entre trois de ses disciples et il fallut attendre la venue de Tsong Khapa, deux cent cinquante ans plus tard, pour qu'elle soit de nouveau réunie. Depuis lors, elle a été transmise intacte par les Dalaï-Lamas et leurs maîtres jusqu'aux grands lamas d'aujourd'hui. L'importance du rôle joué par Atisha dans
le bouddhisme tibétain ne sera jamais assez soulignée.
Non seulement l'école Kadam servit de fondation à l'école
gelougpa de Tsong Khapa (l'école Geloug est souvent appelée
"nouvelle école Kadam »), mais elle exerça
aussi une influence considérable sur toutes les autres écoles.
Elle a en fait vérita-blement insufflé à toute
la tradition tibétaine cet esprit d'inséparabilité
des diffé-rents aspects de la pratique symbolisé par sa
devise : " Une pratique externe de la discipline éthique
(le Hinayana), une pratique interne de l'esprit altruiste d'éveil
(le Mahayana) et une pratique secrète du mantra secret (le Vajrayana).
» Comment Tsong Khapa combina-t-il les enseignements des différentes écoles ? Concernant les soutras, il reprit le système de pratique de l'école Kadam instauré par Atisha dans la « Lampe pour la voie de l'éveil » (les quatre écoles - Nyingma, Sakya, Gagyu et Kadam - avaient, quant au fond, des approches et des interprétations similaires des soutras). Pour la formation intellectuelle, il s'inspira de celle des Sakya. qui fut donc incluse dans les entraînements de base de l'école gelougpa. Pour les tantras, il emprunta à la tradition Kagyupa « Les lignées de l'Assemblée secrète », les « Six yogas de Naropa » et les « Cinq doctrines du Mahamoudra » (Le Grand Sceau) ; aux Sakya, il prit les lignées de Heruka et Hevajra ; et aux Nyingma, entre autres pratiques, celles de la Yamantaka rouge et de la Dakini à la tête de lion. Lorsqu'il atteignit l'âge de soixante-trois ans, Tsong Khapa fit savoir à ses disciples qu'il s'apprêtait à mourir. Le vingtième jour du dixième mois de l'année 1419, il commença la pratique de Heruka dans une chapelle supérieure du monastère de Ganden et, cinq jours plus tard, s'engagea dans une méditation spéciale appelée « dissolution des trois vacuités ». En présence de centaines de disciples, il cessa de respirer et transforma lentement son corps de vieil homme en celui d'un jeune homme. Les rides disparurent de son visage, et sa chair ainsi que sa peau prirent l'apparence de celles d'un garçon de seize ans. Des arcs-en-ciel émanant de son corps remplirent la pièce et de nombreux autres signes extraordinaires purent être observés. Ses disciples déposèrent sa dépouille dans un stoupa d'or installé dans une salle spéciale du monastère de Ganden, qui devint alors un lieu de pèlerinage, jusqu'à l'invasion du Tibet par les chinois dans les années 1950. Les envahisseurs furent stupéfaits à la vue du corps de Tsong Khapa, qui était non seulement en parfait état, mais encore chaud, et dont les cheveux et les ongles continuaient de pousser. Incapables d'accepter l'existence d'une telle réalité, ils mirent le feu au stoupa de Tsong Khapa, puis détruisirent entièrement le monastère. Certains disciples réussirent cependant à sauver des flammes quelques reliques de ses os, qui furent emportées clandestinement en Inde, à Dharamsala, où on peut les voir aujourd'hui, dans la pièce supérieure du temple principal.
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